Visagéité
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Chacun a un visage et un
seul. Une personne c'est un visage, avant tout et d'abord un visage ; je le
reconnais à son visage, sa tête me dit quelque chose. Le visage montre et donne
notre identité (moi = moi ).
La photographie comme reproduction
réaliste a pris en charge la capture du visage, du photographe d'antan au photomaton
actuel. Cette capture du visage par la photographie est une perte d'identité
qui aboutit aujourd'hui dans les photomatons les plus perfectionnés à faire
de nous les figurants d'un film. Figurant d'un film ou figurant de notre propre
histoire (ah oui c'est vrai j'étais comme ça, c'est moi sur la photo), la photographie
signifie le contraire de ce qu'elle montre : nous n'avons plus de visage. Ce
visage qui figure sur la photo n'est déjà plus le nôtre et si identité il y
a, c'est bien plus entre les photos elles-mêmes - toutes cadrées, éclairées
de la même façon- qu'entre la visage et la photo. Il n'y a pas plus anonyme
qu'une photo d'identité.
Dès lors si la photographie
(d'identité) reste d'identité c'est en tant que trace, ce qui reste quand on
a perdu la totalité, la trace de l'animal chassé. La photographie témoigne pour
notre identité. Mais c'est un témoignage sans témoin, reproductible techniquement
à l'infini, automatisé, désincarné ; sans corps pour voir et dire " j'y étais
".
Le chimigramme restitue la
part vivante du témoignage. En intervenant directement sur la photographie,
le photographe-plasticien redonne un corps et d'abord le sien à la photographie.
Opérant d'un même geste la transformation de la photographie et la déformation
du visage, il prolonge la perte d'identité pour donner accès à une vision.
Trace de la trace (trace de la photographie), le chimigramme propose un territoire non-identifiable, entre peinture et photographie, où le visage ne peut plus se donner comme identité (moi = moi) mais s'offre comme autre (je est un autre). Le visage au chimigramme n'est plus ce que l'on a mais ce qui se fait.